samedi 22 novembre 2014

Les défis du droit et la protection des consommateurs en Haïti


Depuis des temps d’antan, les transactions entre les fournisseurs et consommateurs ont été au cœur des grandes préoccupations à l’échelle mondiale. Bien que les fournisseurs possèdent à juste titre des droits liés à ces transactions, la loi tend davantage à protéger les consommateurs. Cette tendance, accrue vers les années 1960 est axée fondamentalement aux modes d’échanges, aux méthodes publicitaires ou de marketing, au contrôle et à la qualité des produits dans le but de maintenir un équilibre harmonieux entre  les concernées. Il est vrai que le champ de consommation des services ou des produits reste si vaste et complexe que l’on ne saurait prétendre le cerner du jour au lendemain, jusqu’à date dans la plupart des pays pauvres dont Haïti, il est fort de constater que le droit et la protection des consommateurs reste et demeure un défi singulier qui semble s’échapper à la régulation de l’État.
 A l’évidence de certains faits bien spécifiques, notamment l’accès plus facile aux professions libérales et l’accroissement de la taille du secteur informel dont on vante souvent les mérites complémentaires du secteur formel, le problème devient beaucoup plus alarmant. Il suffit de penser à la qualité du service à  la clientèle offert et aux conditions d’attente de la clientèle.  Les usagers de la plupart des institutions publiques et privées, des petits et moyennes entreprises savent indubitablement de quoi on parle. Une longue queue sur un trottoir et sous un soleil de plomb, la transgression des principes garantissant un service à la clientèle optimal, un système d’affichage ou d’orientation de la clientèle inefficient, des méthodes de communications nonchalantes,  le harcèlement de la clientèle par des pseudo fonctionnaires ou imposteurs qui offrent des services plus rapides et à un taux préférentiels en marge de la procédure fixée, bref, voilà en quelque sorte le panorama de notre réalité.
L’étendue et la gravité du problème se révèlent de taille.  Si l’on considère le secteur de la production alimentaire ou/et  pharmaceutique, l’analyste ou l’observateur avisé n’aura justement qu’à s’interroger sur leurs conditions de préparation, leur provenance, leurs méthodes de conservation et de transport avant même d’arriver à la consommation finale, leur indication réelle, leur dosage et même l’identité du prescripteur ?
C’est très fréquent et cela devient une habitude, le fait qu’un monsieur ou une madame, occupe le siège en arrière d’un chauffeur  d’autobus, réclame le silence, crache sa salutation magistrale, énerve le bon Dieu à travers une prédication hypocrite, puis mentir avec audace pour finir par nous soutirer de l’argent en contrepartie de leur marchandises. Oui ils sont des arrivistes qui jouent sur notre ignorance et notre lâcheté, mais surtout sur l’inexistence d’un système de sécurité sociale digne d’appréciation. Ils se passent pour des agents marketing, ils s’approprient sans inquiétude et ménagent sans aucune réserve le nom de promoteur de santé, promoteur de produits cosmétiques, pharmaceutiques et naturels. Oui, au nom de diverses associations de jeunes promoteurs qu’ils parlent pour atteindre leurs cibles, pour faire circuler leurs produits parfois périmés, frappés d’interdiction de vente, non registrés, non supervisés, inappropriés qui échappent à tout contrôle de qualité et qui selon eux sont valables pour 101 maladies ou mieux dire l’indication s’accommode à la pathologie présente à l’endroit de vente respectif car le médicament en question est un nettoyeur du sang. Oui, ils sont des inconnus bien connus, des cherchés la vie, des gens qui s’exonèrent de toute taxation et de fiscalité, des gens libres qui en toute impunité opèrent au grand jour sans inquiétude aucune, des gens à succès qui, par leur fierté, font déjà des disciples.
La situation est très alarmante et n’exempte pas même  les petits marchands de pistache, de pâtés, de sucrerie, de rafraichissant, etc. Mais autant que la population continue à consommer ces produits, on ne saurait les épargner totalement car la validité de tout produit qui circule sur le marché public requiert une expertise, un contrôle de qualité, une vérification par des officiers compétents, Et ceci pour la protection des consommateurs, dans l’intérêt de la stabilité et fiabilité du marché. Comment décrire mieux la désinvolture que génère cette situation. Des consommateurs déjà victimes d’un manque de couverture médicale nationale, déjà victime d’un manque d’autorité de l’Etat, d’un manque de régulation, du laxisme des instances de contrôle. Des consommateurs laissés pour contre, sans droit, influencés par des renards, abusés par des faussaires, exploités par des arrivistes qui sans armes à feu assassinent.
Nous vient à l’esprit  une marchande ambulante ou cantonnée au bord de la rue avec une boite de cuisses de poulet, ailes de poulets, cuisses de porc, oreilles de porc, et qui depuis 6 heures du matin ouvre ses boites, se débat dans le soleil et devrait revenir demain pour terminer la vente sans le moindre souci des conditions idéales de conservation de ce produit alimentaire. D’un autre côté, Il me semble opportun de vous retranscrire un discours qui ne vous sera guère étranger que vous soyez usagers du transport en commun ou pas : Frères et sœurs, amis passagers de l’autobus X,  que la paix du bon Dieu soit avec vous tous. Si vous êtes là dans ce bus, c’est par la grâce du seigneur Jésus Christ, vous pourriez ne pas vous réveiller ce matin, vous pourriez être sur un lit à l’hôpital. Donc je vous invite à accepter Jésus comme votre sauveur et seigneur, car c’est grâce à lui que nous sommes là Amen. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis frère Jacques, prédicateur de l’église X et cela fait déjà bien des années que je dessers, en tant que agent pharmaceutique, les principaux circuits Léogane, Croix-des-Bouquets, Pétion ville, Cabaret, Saint-Marc Gonaïves et autres et je n’ai jamais eu de reproche. Je n’ai pas beaucoup de produits, j’ai 3 ou 4 que je vais vous présenter. D’abord, Je vous présente un meilleur antibiotique, mieux que l’Amoxicilline et le Ciprofloxacine, Simvastatin 5mg. Du n’importe quoi !  Vous n’allez pas rencontrer ce médicament sur le marché, il vient directement de la Hollande. Il est bon pour les infections graves, chroniques et rebelles aux autres traitements et même des pathologies cardiaques. Il coûte cher, mais comme nous faisons de la promotion dans les bus, nous ne payons pas de frais de conditionnement, de location et autres, nous vous donnons une dose de 30 comprimés pour 100 gourdes. Vous allez le prendre 3 fois par jour. Je le répète vous n’allez pas le regretter, c’est un meilleur antibiotique. Etc. Je vous présente un deuxième produit, c’est un produit naturel. Dieu a dit dans Ezéchiel : « prenez les écorces des arbres, les feuilles et les fleurs et allez guérir le monde », ce produit s’appelle « debloke m’ » on l’a préparé à base d’écorces, feuilles, fruits. Il est indiqué pour toutes les pathologies gastro-intestinales (flatulence, ulcère estomac, verminose), pathologie hépatique, vésicule biliaire, pathologie de la prostate, calcul rénal, infection génitale et urinaire, la maladie du charme, hématome, contusion musculaire post traumatique, etc. pour le dosage, vous allez prendre pour prévention 2 bouchons matin et 2 bouchons soir, mais pour le traitement 3 bouchons matins et 3 bouchons soir). Ce médicament peut durer un an, une fois fini, on ajoute soit du vin ou de l’alcool pur, d’autres pourrait même ajouter du miel. Il y a une seule contre-indication : les femmes en grossesse car là où il y a des caillots de sang, ce médicament va les fondre et les expulser. Le prix est de 100 gourdes. Avec des pincements au cœur et sous le regard impuissant de tout professionnel avéré les transactions s’effectuent en toute tranquillité. Je me retiens ici pour faire quelques remarques: 1.- Le Simvastatin loin d’être un antibiotique, est une molécule indiquée dans le traitement de  l’hypercholestérolémie. 2.- Il les met dans des petits sachets qui ne permettent pas de vérifier la date d’expiration. 3.-Il n’apporte pas le prospectus pour que les gens puissent vérifier les indications réelles. 4.- On ne peut dire des modes de conservations. 4.- Se basant sur l’interaction médicamenteuse, les produits naturels malgré certains bienfaits, restent un mélange dont on ignore les risques. 5.- La présence d’alcool dans ces produits, le traitement hygiénique : des feuilles avant de les placer dans la bouteille, des bouteilles qui viennent souventes fois des détritus. Comment mettre en vente un produit sans validation, sans contrôle de qualité? Pour quelle pathologie réellement ? Autant de questions  qu’il faudrait se poser. Je n’ai pas besoin de prendre d’autres exemples, autant les constats sont déplorables. Très peu de phrases pour mettre à découvert notre système de protection sociale dans un monde exploiteur-exploité. Un tout petit problème, mais grand en impact. Vue que ce problème traduit notre fragilité, notre vulnérabilité, notre pauvreté en organisation sociale. C’est un problème qui peut coûter des chaises ministérielles car seuls ceux, qui prennent du recul au pouvoir, qui pensent à un Etat de droit et de justice social, peuvent aborder. Les enjeux économiques sont évidents, l’industrie pharmaceutique, cosmétique multimillionnaire est présente et peut frapper fort. Cependant, si on est bien conscient du danger que cela représente sur la vie des citoyens et de la nécessité qu’a besoin le pays pour prendre les rails du développement et tout cela dans le respect des normes démocratiques, On verra nécessairement que c’est un point à soulever, c’est une question à se poser, c’est une réponse à fournir et surtout ce sont des vies à sauver, une démocratie à sauvegarder, une flamme de corruption à éteindre. On est une démocratie jeune, immature et en phase de construction. Donc il est nécessaire qu’on ait des institutions, solides, fortes et fonctionnelles pour mieux appliquer les missions de contrôle et de surveillance. Quand on parle de surveillance et de contrôle, on doit vite voir les gens et la formation de ces gens qui font ce travail, les conditions dans lesquelles ils font ce travail, aussi à base de quelle loi accomplissent ils leur mission ou qu’interdit réellement la loi? Et ceci malgré certains inconvénients, comme l’accès difficile et limité de ces produits à la population rurale, des produits qui sont évidemment moins chers à la vente ambulatoire. On devrait surtout se pencher sur les avantages étatiques qu’une mission de contrôle et de surveillance pourrait générer, comme le contrôle du terroir (contre la contrebande), la protection du consommateur (qui vend quoi aux gens), la régulation du commerce (contre la concurrence déloyale) et la disponibilité, l’accès à des services sanitaires, financiers et/ou procéduriers (décentralisation). Si le gouvernement s’engage à valider la mise en vente de ces produits en s’appuyant sur les recherches de labo, à encadrer les producteurs pour améliorer les conditions de préparations et de conservations de ces produits alimentaires et pharmaceutiques, à surveiller et contrôler soit la montée des prix sur le marché, soit la provenance et la qualité de ces produits sur le marché, soit l’autorisation de vente ou la taxation de tout produit mis en vente ; le gouvernement garantira une augmentation dans les rentrées du trésor public en rendant **formel** une bonne partie du marché informelce qui ouvrira l’assiette fiscale, ce qui diminuera les illégalités, ce qui garantira une nette protection aux consommateurs et garantira du coup une importante avancée dans l’état de droit. D’où une étape importante dans notre construction démocratique.
Je ne prétends nullement clouer au pilori les petits commerçants ou tous ceux qui d’une façon ou d’une autre essaient de s’échapper  des aléas du paupérisme qui tenaille la population, mais il est grand temps d’ouvrir la porte au dialogue, au débat sérieux en vue de trouver des solutions concrètes, viables et adaptées à cette problématique. J’avoue qu’il s’agit d’un phénomène assez complexe et dont les solutions passeront par le redressement des conditions socio-économiques de la population et la restauration de l’autorité de l’État via  la création d’un bureau ou secrétariat de protection du droit des consommateurs dont on définira la mission principale et les limites. Un bureau qui aidera les consommateurs à jouir de certains droits (comme : Droit à la sécurité : protection contre tous les produits qui menacent la vie, la santé et l’équilibre financier Droit à l’information : faire un choix en connaissance de cause Droit au choix : choisir entre une variété de produits à un prix compétitif Droit d’être entendu : se faire représenter aux instances décisionnelles Droit à la réparation des torts : règlement équitables impliquant réparation des dommages subis Droit à un environnement sain : favoriser la qualité de vie Droit à la satisfaction des besoins de bases : accès à eau potable, logement, aux soins, etc. ….) Mais aussi des devoirs comme : Devoir d’être averti : prêt à s’informer sur les biens et services Devoir d’être actif : décider de se défendre lorsque sa cause est honnête et juste Devoir d’être socialement responsable : vue l’influence que son comportement peut avoir sur la population Devoir d’être solidaire : convaincu que c’est dans l’union avec d’autres consommateurs que nos revendications auront pleine force pour triompher.) Par ces lignes, Je  lance une alerte aux dialogues, une prémisse de questionnement pouvant nous replacer sur l’orbite de l’État de droit, du développement et faire de nous ce que nous avions toujours rêvé depuis 1804 les garants des droits de l’homme au berceau de la démocratie moderne.

Dr.Jhon Evenst DOUYON
Douyonevenst54@yahoo.fr

1 commentaire:

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