Depuis des temps d’antan, les transactions
entre les fournisseurs et consommateurs ont été au cœur des grandes
préoccupations à l’échelle mondiale. Bien que les fournisseurs possèdent à juste
titre des droits liés à ces transactions, la loi tend davantage à protéger les
consommateurs. Cette tendance, accrue vers les années 1960 est axée
fondamentalement aux modes d’échanges, aux méthodes publicitaires ou de
marketing, au contrôle et à la qualité des produits dans le but de maintenir un
équilibre harmonieux entre les concernées.
Il est vrai que le champ de consommation des services ou des produits reste si
vaste et complexe que l’on ne saurait prétendre le cerner du jour au lendemain,
jusqu’à date dans la plupart des pays pauvres dont Haïti, il est fort de
constater que le droit et la protection des consommateurs reste et demeure un
défi singulier qui semble s’échapper à la régulation de l’État.
A
l’évidence de certains faits bien spécifiques, notamment l’accès plus facile
aux professions libérales et l’accroissement de la taille du secteur informel
dont on vante souvent les mérites complémentaires du secteur formel, le
problème devient beaucoup plus alarmant. Il suffit de penser à la qualité du
service à la clientèle offert et aux
conditions d’attente de la clientèle.
Les usagers de la plupart des institutions publiques et privées, des
petits et moyennes entreprises savent indubitablement de quoi on parle. Une
longue queue sur un trottoir et sous un soleil de plomb, la transgression des
principes garantissant un service à la clientèle optimal, un système
d’affichage ou d’orientation de la clientèle inefficient, des méthodes de
communications nonchalantes, le
harcèlement de la clientèle par des pseudo fonctionnaires ou imposteurs qui
offrent des services plus rapides et à un taux préférentiels en marge de la
procédure fixée, bref, voilà en quelque sorte le panorama de notre réalité.
L’étendue et la gravité du problème se révèlent
de taille. Si l’on considère le secteur
de la production alimentaire ou/et
pharmaceutique, l’analyste ou l’observateur avisé n’aura justement qu’à
s’interroger sur leurs conditions de préparation, leur provenance, leurs
méthodes de conservation et de transport avant même d’arriver à la consommation
finale, leur indication réelle, leur dosage et même l’identité du prescripteur
?
C’est très fréquent et cela devient une
habitude, le fait qu’un monsieur ou une madame, occupe le siège en arrière d’un
chauffeur d’autobus, réclame le silence,
crache sa salutation magistrale, énerve le bon Dieu à travers une prédication
hypocrite, puis mentir avec audace pour finir par nous soutirer de l’argent en
contrepartie de leur marchandises. Oui ils sont des arrivistes qui jouent sur
notre ignorance et notre lâcheté, mais surtout sur l’inexistence d’un système
de sécurité sociale digne d’appréciation. Ils se passent pour des agents
marketing, ils s’approprient sans inquiétude et ménagent sans aucune réserve le
nom de promoteur de santé, promoteur de produits cosmétiques, pharmaceutiques
et naturels. Oui, au nom de diverses associations de jeunes promoteurs qu’ils
parlent pour atteindre leurs cibles, pour faire circuler leurs produits parfois
périmés, frappés d’interdiction de vente, non registrés, non supervisés,
inappropriés qui échappent à tout contrôle de qualité et qui selon eux sont
valables pour 101 maladies ou mieux dire l’indication s’accommode à la
pathologie présente à l’endroit de vente respectif car le médicament en
question est un nettoyeur du sang. Oui, ils sont des inconnus bien connus, des
cherchés la vie, des gens qui s’exonèrent de toute taxation et de fiscalité,
des gens libres qui en toute impunité opèrent au grand jour sans inquiétude
aucune, des gens à succès qui, par leur fierté, font déjà des disciples.
La situation est très alarmante et n’exempte
pas même les petits marchands de
pistache, de pâtés, de sucrerie, de rafraichissant, etc. Mais autant que la
population continue à consommer ces produits, on ne saurait les épargner
totalement car la validité de tout produit qui circule sur le marché public
requiert une expertise, un contrôle de qualité, une vérification par des
officiers compétents, Et ceci pour la protection des consommateurs, dans
l’intérêt de la stabilité et fiabilité du marché. Comment décrire mieux la
désinvolture que génère cette situation. Des consommateurs déjà victimes d’un
manque de couverture médicale nationale, déjà victime d’un manque d’autorité de
l’Etat, d’un manque de régulation, du laxisme des instances de contrôle. Des
consommateurs laissés pour contre, sans droit, influencés par des renards,
abusés par des faussaires, exploités par des arrivistes qui sans armes à feu
assassinent.
Nous vient à l’esprit une marchande ambulante ou cantonnée au bord
de la rue avec une boite de cuisses de poulet, ailes de poulets, cuisses de
porc, oreilles de porc, et qui depuis 6 heures du matin ouvre ses boites, se
débat dans le soleil et devrait revenir demain pour terminer la vente sans le
moindre souci des conditions idéales de conservation de ce produit alimentaire.
D’un autre côté, Il me semble opportun de vous retranscrire un discours qui ne
vous sera guère étranger que vous soyez usagers du transport en commun ou pas :
Frères et sœurs, amis passagers de l’autobus X,
que la paix du bon Dieu soit avec vous tous. Si vous êtes là dans ce
bus, c’est par la grâce du seigneur Jésus Christ, vous pourriez ne pas vous
réveiller ce matin, vous pourriez être sur un lit à l’hôpital. Donc je vous
invite à accepter Jésus comme votre sauveur et seigneur, car c’est grâce à lui
que nous sommes là → Amen. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis frère Jacques,
prédicateur de l’église X et cela fait déjà bien des années que je dessers, en
tant que agent pharmaceutique, les principaux circuits Léogane,
Croix-des-Bouquets, Pétion ville, Cabaret, Saint-Marc Gonaïves et autres et je
n’ai jamais eu de reproche. Je n’ai pas beaucoup de produits, j’ai 3 ou 4 que
je vais vous présenter. D’abord, Je vous présente un meilleur antibiotique,
mieux que l’Amoxicilline et le Ciprofloxacine, Simvastatin 5mg. Du n’importe
quoi ! Vous n’allez pas rencontrer ce
médicament sur le marché, il vient directement de la Hollande. Il est bon pour
les infections graves, chroniques et rebelles aux autres traitements et même
des pathologies cardiaques. Il coûte cher, mais comme nous faisons de la
promotion dans les bus, nous ne payons pas de frais de conditionnement, de
location et autres, nous vous donnons une dose de 30 comprimés pour 100
gourdes. Vous allez le prendre 3 fois par jour. Je le répète vous n’allez pas
le regretter, c’est un meilleur antibiotique. Etc. Je vous présente un deuxième
produit, c’est un produit naturel. Dieu a dit dans Ezéchiel : « prenez les écorces
des arbres, les feuilles et les fleurs et allez guérir le monde », ce produit
s’appelle « debloke m’ » on l’a préparé à base d’écorces, feuilles, fruits. Il
est indiqué pour toutes les pathologies gastro-intestinales (flatulence, ulcère
estomac, verminose), pathologie hépatique, vésicule biliaire, pathologie de la
prostate, calcul rénal, infection génitale et urinaire, la maladie du charme,
hématome, contusion musculaire post traumatique, etc. pour le dosage, vous
allez prendre pour prévention 2 bouchons matin et 2 bouchons soir, mais pour le
traitement 3 bouchons matins et 3 bouchons soir). Ce médicament peut durer un
an, une fois fini, on ajoute soit du vin ou de l’alcool pur, d’autres pourrait
même ajouter du miel. Il y a une seule contre-indication : les femmes en
grossesse car là où il y a des caillots de sang, ce médicament va les fondre et
les expulser. Le prix est de 100 gourdes. Avec des pincements au cœur et sous
le regard impuissant de tout professionnel avéré les transactions s’effectuent
en toute tranquillité. Je me retiens ici pour faire quelques remarques: 1.- Le
Simvastatin loin d’être un antibiotique, est une molécule indiquée dans le
traitement de l’hypercholestérolémie.
2.- Il les met dans des petits sachets qui ne permettent pas de vérifier la
date d’expiration. 3.-Il n’apporte pas le prospectus pour que les gens puissent
vérifier les indications réelles. 4.- On ne peut dire des modes de
conservations. 4.- Se basant sur l’interaction médicamenteuse, les produits
naturels malgré certains bienfaits, restent un mélange dont on ignore les
risques. 5.- La présence d’alcool dans ces produits, le traitement hygiénique :
des feuilles avant de les placer dans la bouteille, des bouteilles qui viennent
souventes fois des détritus. Comment mettre en vente un produit sans
validation, sans contrôle de qualité? Pour quelle pathologie réellement ?
Autant de questions qu’il faudrait se
poser. Je n’ai pas besoin de prendre d’autres exemples, autant les constats
sont déplorables. Très peu de phrases pour mettre à découvert notre système de
protection sociale dans un monde exploiteur-exploité. Un tout petit problème,
mais grand en impact. Vue que ce problème traduit notre fragilité, notre
vulnérabilité, notre pauvreté en organisation sociale. C’est un problème qui
peut coûter des chaises ministérielles car seuls ceux, qui prennent du recul au
pouvoir, qui pensent à un Etat de droit et de justice social, peuvent aborder.
Les enjeux économiques sont évidents, l’industrie pharmaceutique, cosmétique
multimillionnaire est présente et peut frapper fort. Cependant, si on est bien
conscient du danger que cela représente sur la vie des citoyens et de la
nécessité qu’a besoin le pays pour prendre les rails du développement et tout
cela dans le respect des normes démocratiques, On verra nécessairement que
c’est un point à soulever, c’est une question à se poser, c’est une réponse à
fournir et surtout ce sont des vies à sauver, une démocratie à sauvegarder, une
flamme de corruption à éteindre. On est une démocratie jeune, immature et en
phase de construction. Donc il est nécessaire qu’on ait des institutions,
solides, fortes et fonctionnelles pour mieux appliquer les missions de contrôle
et de surveillance. Quand on parle de surveillance et de contrôle, on doit vite
voir les gens et la formation de ces gens qui font ce travail, les conditions
dans lesquelles ils font ce travail, aussi à base de quelle loi accomplissent
ils leur mission ou qu’interdit réellement la loi? Et ceci malgré certains
inconvénients, comme l’accès difficile et limité de ces produits à la
population rurale, des produits qui sont évidemment moins chers à la vente
ambulatoire. On devrait surtout se pencher sur les avantages étatiques qu’une
mission de contrôle et de surveillance pourrait générer, comme le contrôle du
terroir (contre la contrebande), la protection du consommateur (qui vend quoi
aux gens), la régulation du commerce (contre la concurrence déloyale) et la
disponibilité, l’accès à des services sanitaires, financiers et/ou procéduriers
(décentralisation). Si le gouvernement s’engage à valider la mise en vente de
ces produits en s’appuyant sur les recherches de labo, à encadrer les
producteurs pour améliorer les conditions de préparations et de conservations
de ces produits alimentaires et pharmaceutiques, à surveiller et contrôler soit
la montée des prix sur le marché, soit la provenance et la qualité de ces
produits sur le marché, soit l’autorisation de vente ou la taxation de tout
produit mis en vente ; le gouvernement garantira une augmentation dans les
rentrées du trésor public en rendant **formel** une bonne partie du marché
informel→ce qui ouvrira l’assiette fiscale, ce qui
diminuera les illégalités, ce qui garantira une nette protection aux
consommateurs et garantira du coup une importante avancée dans l’état de droit.
D’où une étape importante dans notre construction démocratique.
Je ne prétends nullement clouer au pilori les
petits commerçants ou tous ceux qui d’une façon ou d’une autre essaient de
s’échapper des aléas du paupérisme qui tenaille
la population, mais il est grand temps d’ouvrir la porte au dialogue, au débat
sérieux en vue de trouver des solutions concrètes, viables et adaptées à cette
problématique. J’avoue qu’il s’agit d’un phénomène assez complexe et dont les
solutions passeront par le redressement des conditions socio-économiques de la
population et la restauration de l’autorité de l’État via la création d’un bureau ou secrétariat de
protection du droit des consommateurs dont on définira la mission principale et
les limites. Un bureau qui aidera les consommateurs à jouir de certains droits
(comme : Droit à la sécurité : protection contre tous les produits qui menacent
la vie, la santé et l’équilibre financier Droit à l’information : faire un
choix en connaissance de cause Droit au choix : choisir entre une variété de
produits à un prix compétitif Droit d’être entendu : se faire représenter aux
instances décisionnelles Droit à la réparation des torts : règlement équitables
impliquant réparation des dommages subis Droit à un environnement sain :
favoriser la qualité de vie Droit à la satisfaction des besoins de bases :
accès à eau potable, logement, aux soins, etc. ….) Mais aussi des devoirs comme
: Devoir d’être averti : prêt à s’informer sur les biens et services Devoir
d’être actif : décider de se défendre lorsque sa cause est honnête et juste
Devoir d’être socialement responsable : vue l’influence que son comportement
peut avoir sur la population Devoir d’être solidaire : convaincu que c’est dans
l’union avec d’autres consommateurs que nos revendications auront pleine force
pour triompher.) Par ces lignes, Je lance une alerte aux dialogues, une prémisse
de questionnement pouvant nous replacer sur l’orbite de l’État de droit, du
développement et faire de nous ce que nous avions toujours rêvé depuis 1804 les
garants des droits de l’homme au berceau de la démocratie moderne.
Dr.Jhon Evenst DOUYON
Douyonevenst54@yahoo.fr